mercredi 25 juin 2014

Anatomie de l’écosystème entrepreneurial technologique sénégalais

Les acteurs TIC sénégalais prononcent de plus en plus le mot « écosystème » Dans cet article j’analyse l’écosystème entrepreneurial  TIC décomposé en 6 composantes : politiques publiques, structures d’accompagnement, capital humain, culture entrepreneuriale, financement, marchés.
1) Politiques publiques
Traditionnellement, le rôle du gouvernement se limite à créer les conditions de l’émergence d’un écosystème entrepreneurial florissant. Ce, à travers la mise en place de structures d’accompagnement, de régulation mais aussi à travers des mesures incitatives. Au Sénégal, plusieurs structures étatiques jouent ce rôle. Il s’agit de L’ARTP  qui régule le secteur des télécommunications & des postes, de l’ADEPME qui offre des services non financiers aux PME, de l’APIX qui accompagne les industries & grandes entreprises et des services étatiques compétents.
Les politiques en matière de promotion des TICs ont valu au Sénégal la première place sur le plan de la contribution de l’internet au PIB en Afrique selon McKinsey (2013).
Sur le plan financier, l’état a récemment mis en place le FONGIP, le FONSIS & la BNDE pour faciliter l’accès au capital & aux garanties souvent inaccessibles aux  entrepreneurs. L’opérationnalisation de ces trois structures est en cours.
L’Etat a aussi diminué le capital requis pour les SARL de 1 million à 100.000F. Le FDSUT corrige la fracture numérique interne à travers le financement de programmes qui touchent les couches les plus défavorisées.
Sur le plan de la recherche, en plus du grand prix du chef de l’état pour l’innovation, des centres de recherches et d’essai ont été ouverts dans plusieurs localités du Sénégal pour favoriser une circulation plus fluide des idées entre le monde académique et le monde économique.
Les décisions présidentielles 1 & 2 issues du conseil présidentiel de 2013 réorientent l’enseignement supérieur vers les STEM & mettent les TICs au cœur de l’enseignement supérieur.
2) Structures d’accompagnement
Le réseau des structures d’accompagnements du Sénégal est le maillon le plus dynamique de l’écosystème entrepreneurial. Inexistantes il y a quelques années, le Sénégal compte plus d’une douzaines de structures qui accompagnent l’écosystème (incubateurs, hub technologiques, multinationales & organismes internationaux). A Dakar, pas une semaine ne passe sans qu’il y ait un événement qui réunisse la communauté TIC : Compétition, Forum, Conférence,  Formation, Rencontres de la communauté etc.
Né d’un partenariat public privé, l’incubateur CTIC est au cœur des activités d’accompagnement de l’écosystème sénégalais. Il y a aussi Jokkolabs un réseau international de hubs, Synapse Center, Jiggen tech hub , Rufisque tech hub  pour ne citer que ceux-la.
Les structures d’accompagnement c’est aussi les multinationales comme Google ou Microsoft qui supportent des communautés de développeurs, d’étudiants & de professionnels des TICs.
C’est aussi les communautés : au premier rang desquels figure Dakar LUG, fondé il y a près de 10 ans, Dakar LUG fut l’un des premiers éléments de l’écosystème TIC Sénégalais.  Par la suite, des dizaines d’autres communautés ont vu le jour.
Les operateurs de téléphonie mobile, en particulier Orange, accompagnent aussi l’écosystème.
Enfin, il y a OPTIC qui fait figure de patronat TIC, la société sénégalaise de l’information ISOC, la fondation des incubateurs FICTIS & l’observatoire des systèmes d’information OSIRIS.
3) Capital humain
Les universités, instituts supérieurs & écoles d’ingénieurs  mettent sur le marché des centaines de diplômés chaque année. Idem pour les écoles de commerce & de management.
Globalement, l’offre de formation dans le domaine des TIC est correcte. Le capital humain est disponible & accessible pour les entreprises locales.  Le problème se situe au niveau de la densification du tissu des entreprises TIC qui suppose la préexistence d’une culture entrepreneuriale forte  & d’un capital privé accessible.
4) Culture entrepreneuriale
La société sénégalaise privilégie davantage les emplois sécurisants dans le secteur public & privé. En revanche, la saturation du marché de l’emploi sénégalais pousse davantage de jeunes à entreprendre en particulier dans le secteur des TIC ou l’on note plusieurs « success stories ».
5) Financement
Le Sénégal, à l’instar des autres pays de la sous région, est caractérisé par une quasi-inexistence de fonds de capital risque  ou de capital d’amorçage émanant du secteur privé. De ce fait, le financement des startups TIC est assuré de manière collégiale par les incubateurs, hub technologique & autres organismes  qui organisent périodiquement des compétitions (e.g Grand prix FDSUT, Startup weekend, Tekki 48) à l'issue desquels un fond d’amorçage est remis aux plus méritants. D'autres options existent: la contribution des amis et parents, l'emprunt & le crowdfunding (une méthode innovante et prometteuse).
6) Marchés
L’explosion du marché des terminaux de connexion & du nombre de résidents urbains qui se connectent quotidiennement à internet prouve l’existence d’un marché large & croissant.
En l’espace de quelques années, une véritable économie numérique qui s’articule autour des plateformes, produits & services est née. En atteste le poids d’internet sur le PIB sénégalais évalué à 3.3%.
La baisse continue du coût d’acquisition des terminaux et par conséquent du coût d’accès à internet devrait être considérée comme une aubaine pour les entrepreneurs du web. D’où l’importance d’une prise en charge holistique de l’écosystème entrepreneurial  afin d’en résoudre les deux principaux goulots d’étranglements que sont l’accès au capital & une culture entrepreneuriale forte.

samedi 5 octobre 2013

L’excès de liberté nuit au développement: le cas de l'incivisme au Sénégal


Dans mon premier article, j’affirmais que “malgré la promotion du civisme et son intégration dans notre système éducatif, l’incivisme reste de rigueur”. La raison est simple: Il n’y a ni loi ni pénalité qui sanctionne les actes inciviques. Une photo vaut 1000 mots. La photo ci-dessous illustre le laxisme généralisé au Sénégal.


La Chine est un modèle en matière de discipline. Je l’ai constaté de visu. L’Etat chinois est réputé répressif mais il a quand même fait décoller un pays 100 fois plus peuplé que le Sénégal qui va bientôt  devenir la première puissance mondiale. L’Occident sous-médiatise cette percée économique et surmédiatise l’absence de démocratie. La question savamment occultée est la suivante “La Chine aurait-elle décollé si elle n'avait pas sacrifié les libertés individuelles?” L’Inde est une démocratie presque aussi peuplée que la chine mais le PIB par habitant de la Chine vaut 4 fois celui de l’Inde. Mieux, les Chinois vivent en moyenne 8 années de plus que les Indiens.
Loin de moi l’idée de promouvoir au Sénégal un régime totalitaire a l’image de la Chine. Mais la question du laxisme généralisé requiert des actions dissuasives. Au demeurant, je ne me fais pas d’illusions quant à la vague de protestations que va faire naître le durcissement des sanctions de manière générale au Sénégal. Dans ce cas, pourquoi ne pas instaurer un service civique obligatoire pour tous les jeunes ayant atteint la majorité?

dimanche 29 septembre 2013

Planification démographique ou démographie pilotée à vue

Au sénégal, une prise en compte médiocre de l’évolution de la population dans le temps ainsi que sa répartition dans l’espace a installé le pays dans un “pilotage à vue permanent”.  
Une planification méthodique aurait imposé au gouvernement de lotir & d’assainir des terrains à une vitesse supérieure à celle de l’évolution de la population, anticipant ainsi sur la demande
de logement. L’Etat a plutôt opté pour le pilotage à vue. Conséquence: plus de la moitié de la population  vit dans des zones non assainies et non loties.
De la même manière, la planification méthodique aurait permis de mitiger les délestages (eau & électricité), l'insuffisance des structures de santé et de personnel qualifié, l'insuffisance des universités publiques, le chômage, la quasi-dépendance aux exportations pour ne citer que ceux-là.
L’absence du ministère du plan pendant près de 15 ans en dit long sur la volonté inavouée de placer le pays dans un état d’urgence permanent. L’Etat doit démasquer les individus qui ont fait perdurer le statu quo.
On a besoin de dirigeants qui placent la planification au centre de leurs stratégies. C’est le lieu de saluer la réintégration récente du ministère du plan et du bureau organisation et méthode dans l’attelage gouvernemental. Reste à savoir si leurs programmes pourront être traduits en actes concrets et exécutés rigoureusement dans l’étendue du territoire.

samedi 28 septembre 2013

Pour une rémunération des enseignants axée sur le résultat

Ils ont au moins 4 mois de vacances scolaires. Ils “décrètent”  chaque année plusieurs semaines de grèves .“Ils” ce sont les enseignants du Sénégal. Majoritaires dans la fonction publique et très prompts à descendre dans la rue, les enseignants sont- à mon humble avis -les travailleurs les plus choyés du Sénégal. Et pour cause, ils ne sont pas jugés sur leurs résultats. Ils ont une obligation d’enseigner certes mais aucune clause ne les rend comptables de l’échec scolaire.
A titre d’exemple, près de 60% des candidats au baccalauréat 2013 ont échoué malgré les 12 milliards investis pour leur formation.
Il y a quelques mois l'Etat du Sénégal avait publié l'état d’avancement des négociations avec les enseignants. A ma grande surprise, la quasi-totalité de leurs revendications tournait autour de la “revalorisation de leurs indemnités” (un terme syndical qui signifie “augmentation de salaire”)
Pendant ce temps, L'Inspection Générale de l’Etat (IGE) a fait rentrer dans les caisses de l’Etat 65 milliards- 8 fois plus que son budget durant la période de recouvrement. On me reprochera de comparer le corps le plus sélectif de l’Etat avec celui le moins sélectif. Mais, faire partie d’un corps de l’Etat fut-il le moins sélectif- ne saurait dispenser l'enseignant de l’obligation de résultat.
L’Etat a tort de continuer à rémunérer de manière égalitaire des enseignants qui obtiennent des résultats différents aux examens nationaux. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui imputent l’échec scolaire aux élèves dont les niveaux baissent d’année en année. Même si le recrutement massif d'enseignants peu qualifiés durant les 10 dernières années a contribué à la baisse du niveau des élèves, l'enseignant doit assumer ses résultats. Pourtant, il aurait suffi qu’on offre une prime d’excellence de 100.000 FCFA aux enseignants qui obtiennent un résultat supérieur à 70% pour qu’on constate une amélioration significative des résultats au baccalauréat. Au regard de la “plateforme revendicative” des enseignants, seule une incitation financière axée sur le résultat pourra changer le paradigme du système éducatif.

jeudi 26 septembre 2013

La volte-face spectaculaire de Souleymane Jules Diop & Abdoul Latif Coulibaly

Deux évènements majeurs ont échappé à la vigilance des démocrates sénégalais: le recrutement par l’actuel gouvernement des deux plus redoutés journalistes d’investigation du Sénégal à savoir Souleymane Jule Diop & Abdou Latif Coulibaly.
Souleymane Jules Diop
Il a été le plus fervent journaliste d’investigation du Sénégal durant les 10 dernières années. Ses révélations sur les malversations en cours au Sénégal donnaient le tournis tellement elles étaient précises et documentées. Depuis le Canada où il s'était exilé, SJD partageait chaque semaine à travers un blog et un podcast ses réflexions et ses révélations explosives. Des milliers de Sénégalais attendaient impatiemment la publication de son blog pour le féliciter et l’encourager. Il a été agressé publiquement à Chicago en 2008 par des gardes du corps de Abdoulaye Wade. Il est sorti victorieux d’un procès pour diffamation intenté par Karim Wade auprès d’un tribunal Canadien. Bref, SJD était un héros et un modèle pour la jeunesse sénégalaise…
Abdou Latif Coulibaly
Journaliste d’investigation chevronné et très réseauté, Latif a successivement publié trois brulots (L’alternance piégée: Wade un opposant au pouvoir-2003, L’affaire Me Babacar Seye: un meurtre sur commande-2005, Comptes & mécomptes de l’ANOCI-2009). Contrairement à SJD, Latif est resté au Sénégal et n’a étonnamment pas subi les foudres du régime wadien réputé répressif. Ses ouvrages ont eu un impact certain sur le mode de fonctionnement du gouvernement d’alors. Pour couronner le tout, il a fondé La Gazette-un hebdomadaire respectable mais dont la ligne éditoriale était acerbe à l’égard du régime Wadien.
Conséquemment, ces deux journalistes ont le mérite d’avoir contribué à la déchéance d’Abdouldaye Wade en mars 2012.
Mais l’histoire ne s'arrête pas là. Abdou Latif Coulibaly est l’actuel porte-parole du gouvernement Sénégalais, Souleymane Jules est l’actuel chef de la cellule de communication de la présidence Sénégalaise. Il va sans dire qu’ils ont changé de plume. Les sentinelles de la démocratie d’hier sont les stratèges et défenseurs de l’action publique d’aujourd’hui. Volte-face.
Les conséquences de leur absence soudaine du paysage médiatique se font déjà ressentir...
Bien qu’étant sous-mediatisé, ce débauchage spectaculaire des meilleurs investigateurs du Sénégal est un cas d’école et mérite une “investigation” de la part des analystes politique de ce pays.

mercredi 25 septembre 2013

Repenser notre système de prévention des comportements anti-éthiques


Ces derniers mois, la traque des biens mal acquis a été un sujet récurrent dans les médias. Certains membres de l’opposition sénégalaise ont même affirmé que le programme de l’équipe gouvernementale actuelle reposait essentiellement sur la reddition des comptes...
J’ai suivi avec beaucoup d'intérêt les feuilletons politico-judicaires qui ont  rythmé l'actualité depuis l’activation de la CREI. La transaction pénale de Tahibou Ndiaye a particulièrement retenu mon attention. La répétition est pédagogique: “Soupçonné de s'être enrichi illicitement, Tahibou Ndiaye a cédé plus de 3 milliards de nos francs à l’Etat pour recouvrir la liberté”. Sans criminaliser la richesse, je trouve qu’il est inapproprié qu’un fonctionnaire puisse accumuler une telle fortune.
Au-delà du préjudice subi par l’Etat du sénégal et par ricochet les Sénégalais, ces détournements de derniers publics posent un gros problème d’éthique. Comment des dizaines de hauts fonctionnaires de l’Etat formés dans nos meilleures écoles s’exercent à piller nos maigres ressources de manière systématique? Certains parmi eux font actuellement l’objet d'enquêtes minutieuses, d’autres n’ont nullement été inquiétés.
Sans verser dans le débat politique, je suis tenté de croire qu’ il y a une justice à deux vitesses dans ce pays. Le message de l’actuel gouvernement pourrait être résumé comme suit:”Gare à vous si vous avez détourné des milliards mais ne soyez nullement inquiétés si vous n’avez détourné que quelques millions...”
Je ne les citerai pas nommément mais combien sont-ils, les agents de l’Etat ou des municipalités qui acceptent des dessous-de-table au vu & su de tout le monde? A combien se chiffre le manque à gagner de l’Etat du Sénégal? Formons-nous dans nos écoles & dans nos maisons des individus dénués du sens de l’éthique ou avons-nous perdu au fil du temps des valeurs fondamentales telles que l'honnêteté, la droiture et la franchise.
Certaines lois sont contraires à l'éthique et la morale. Par conséquent, les lois ne suffisent pas. Dans ce pays Il est temps qu'on réfléchisse sur la prévention de l'immoralité et des dérives de toutes sortes. Malgré la promotion du civisme et son intégration dans notre système éducatif, l’incivisme reste de rigueur (j’aborderai l'incivisme dans un autre blog). Bref, il nous faut repenser nos systèmes de prévention des comportements anti-éthiques.